Cahier Critique de Poésie - Recension par Éric Faure

 Cahier Critique de Poésie -  Recension par Éric Faure
01 2016

Gilles Ortlieb : « Dans les marges » / « Et tout le tremblement »

Dans les marges, petit livre élégant publié aux éditions Le Bruit du temps, rassemble des textes que Gilles Ortlieb qualifie, en sous-titre, de « petites études », où il est question d’auteurs (en prose, en poésie), de l’art d’écrire et aussi de celui de traduire… entre autres. L’approche est chaque fois différente, tout à la fois via la visite des lieux et des œuvres, et « ce qu’on peut apprendre par les livres ». Où il est question des exils de Cavafis, de son refus de l’emphase, de son maniement du détail, celui qui, privé de parole à la fin de sa vie, préfère la magie de la vue à celle du verbe… Il y a aussi le vertigineux rayonnement de « Loup » évoqué à l’occasion d’une visite du château de Colpach, le paradoxe d’E. Bove dont l’œuvre est « un refuge », Bove qui avait lui aussi « le sens du détail », K. Karyotakis entre spleen et auto-ironie, que la réalité « répugne », la voix interrompue jeune d’O.-J. Perrier, l’observateur A. Lubin entre prose et poésie, et puis la très présente question de la traduction amplement développée à l’évocation de H. Thomas et d’une étude très fine sur la technique de la pesée qui mène à la version « définitive ». On retrouve avec plaisir J. Forton, et avec émotion P. de Roux, Pirotte l’itinérant, seul et entouré d’alliances complices – et les très belles pages autour de J.-L. Sarré, intitulées « Voir, une façon d’être ».

Ce dernier titre pourrait convenir également à G. Ortlieb avec Et tout le tremblement, autre ouvrage de G. O. aux mêmes éditions, illustré par de nombreuses photos de l’auteur. En quatorze pérégrinations, l’auteur se transporte et porte son regard par monts et par villes, à pied, en bus, en tégévé, tramway… à Porto, Psychiko, Bruxelles, Zante, Paris, etc. Des textes par-ci par-là entrevus en revues dans des versions partielles ou légèrement différentes et qui font naviguer, rêver autant qu’ils font voir…

Deux petits livres qui disent l’estime et souvent la grande affection de G. Ortlieb pour des auteurs et pour des lieux – et les moments qui ont conduit à leur découverte. Des lieux autant que des auteurs qui font, eux aussi, « une sorte de clan » lié par une souterraine parenté : celle des œuvres fortes qui se dérobent « aux interprétations trop zélées… »

Éric Faure
n° 33-2